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30
oct. 2025

Célébrités non endémiques : La stratégie des jeux vidéo dans l'acquisition de nouveaux joueurs en France

Temps de lecture : 4 minutes

Nous assistons peu à peu à la disparition d'une frontière qui autrefois aurait pu être jugée infranchissable forte entre la télévision traditionnelle et les nouvelles sources de divertissement numérique (YouTube, Twitch, plateformes à la demande). Les similitudes de contenu que l'on trouve désormais entre ces deux univers sont frappantes. Les créateurs du numérique s'inspirent des formats TV, et inversement, créant des ponts inattendus.

Des concepts établis sont repris et détournés, notamment sur le jeu League of Legends par de nombreux créateurs de contenu, comme l'idée de Cauchemar en cuisine qui se transforme en Cauchemar en jungle par Sixen, ou encore Patron incognito réinterprété au format Diamant incognito par iReaz (https://www.youtube.com/watch?v=RZDdltsc6-I).

 

 

Les créateurs de contenu sont désormais des célébrités à part entière, comme les vidéos React de Michou sur Pascal le grand frère ( https://www.youtube.com/watch?v=wypJHwSBXDg), ou encore les concepts à gros budget tel que Beast Games de MrBeast, directement inspiré de l’univers et codes de la téléréalité. 

 

 

C'est dans ce contexte de fusion des codes médiatiques et de perméabilité totale entre l'influence du Web et la légitimité de la TV, que l'industrie du jeu vidéo adopte une stratégie d'acquisition audacieuse : collaborer avec des célébrités "non endémiques". En France, cette approche prend tout son sens et se développe de plus en plus au fil des années, exploitant la notoriété des icônes nationales pour toucher le grand public et légitimer le gaming comme un média de masse.

Nous allons décrypter trois exemples marquants de cette stratégie innovante sur le marché français.

 

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1. Pari du buzz inattendu : Philippe Etchebest dans la pub de Call of Duty Black Ops 7

L'annonce a fait l'effet d'une bombe médiatique. Le chef étoilé et figure incontournable du petit écran français, Philippe Etchebest, remplace sa tenue de chef pour un costume tel un agent spécial visant à promouvoir la sortie du prochain opus de la franchise Call of Duty.

Cette collaboration illustre une stratégie doublement efficace car en recrutant une personnalité aussi reconnaissable qu'Etchebest, l'éditeur intercepte l'attention des médias généralistes et d’un public - mainstream - qui ne suit pas naturellement les annonces de jeux vidéo. Cela génère un buzz médiatique qui transcende les médias spécialisés.

Ce décalage entre l'univers de Call of Duty et l'image du chef cuisinier crée une situation improbable et impactante ; permettant au studio Activision de s’inscrire dans une stratégie de communication à grande échelle, visant à élargir le public du jeu. Le jeu vidéo se positionne ainsi comme une plateforme de divertissement capable d'intégrer des icônes culturelles diverses, maximisant sa capacité de captation.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=dkOmyi2boQg

 

 

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2.  Acquisition d’un Casual Game mobile : Michaël Youn pour Last War: Survival 

Dans un genre différent mais tout aussi stratégique, le jeu mobile Last War: Survival a fait appel à l'acteur et humoriste Michaël Youn pour ses campagnes publicitaires en France.

La logique est d'utiliser son profil grand public pour atteindre une cible large et familiale. Michaël Youn, avec son capital sympathie trans-générationnel, permet de toucher un public qui n'est pas nécessairement un "gamer" au sens traditionnel.

Soulevant ainsi toute barrière perçue par les néophytes vis-à-vis des jeux de stratégie ou de survie, les présentant comme un divertissement simple et accessible, assurant ainsi une omniprésence médiatique pour un jeu mobile plus casual que hardcore.

Source : https://www.facebook.com/watch/?v=1229436221938712

 

 

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3. Fusion des icônes de la TV et du Web à la conquête de la Gen Z pour Mario Kart World

Nintendo illustre parfaitement la stratégie de la convergence des stars de la nouvelle génération en recrutant Denis Brogniart (figure emblématique de l'aventure et de la survie avec Koh-Lanta), Marine (gagnante de la Star Academy) et les frères Kevin et Henry Tran (aka Le Rire Jaune, duo de créateurs de contenu YouTube figurant parmi les personnalités les plus influentes de la Gen Z) pour promouvoir son jeu Mario Kart World.

Ce choix révèle d’un objectif stratégique clair : cibler la Génération Z en mixant les médias, permettant ainsi une stratégie à multiples niveaux.

L'utilisation de sa célèbre réplique ("À la fin, il n'en restera qu'un !") ou le décor rappelant l'univers des loges d’une émission appliqué à la course de karting garantit un buzz immédiat et une reconnaissance instantanée par le grand public.

En associant ces personnalités du Web à celles de la Tv, Nintendo crée un pont entre le public familial de la télévision et l'audience connectée des plateformes, participant à diffuser une image positive et fédératrice avec l'univers de Nintendo. Et renforçant ainsi l'attractivité du jeu auprès des familles et des joueurs occasionnels.

Sources : https://www.youtube.com/watch?v=ptqL3rOoCz8 / https://www.youtube.com/watch?v=g7KgPI5Orhk

 

Conclusion : Acquérir, mais avec authenticité et expertise

Ces 3 exemples montrent que les stars françaises sont devenues des leviers marketing essentiels pour l'acquisition de nouveaux joueurs venants de tous lieux. Le succès des jeux vidéo sur le marché français passe désormais par un savant dosage entre le buzz médiatique et la résonance culturelle.

Cette stratégie s'appuie sur un marché massif : selon le SELL/Médiamétrie, la France compte 40 millions de joueurs (73 % de la population), avec un joueur moyen âgé de 40 ans. Ces chiffres confirment que le jeu vidéo est un média de masse et un divertissement intergénérationnel.

L'engagement est particulièrement fort auprès de la Génération Z (16-30 ans), qui représente 10,9 millions de joueurs. 88 % de cette tranche d'âge s'adonnent au jeu vidéo, y consacrant en moyenne 7 heures et 16 minutes par semaine. Plus éloquent encore : 53 % de ces jeunes joueurs y jouent tous les jours ou presque, ce qui justifie pleinement l'investissement des marques dans cette cible via des icônes pop et web.

Source : https://www.sell.fr/sites/default/files/essentiel-jeu-video/ejv_septembre_2025_vdefpdf.pdf

 

Cependant, la stratégie d'acquisition agressive n'est pas sans risque. Le cas de Last War: Survival, par exemple, met en lumière les limites de ces collaborations : le jeu a été accusé par une partie de la communauté d'utiliser des publicités trompeuses qui ne reflètent pas le gameplay réel. Ce type de controverse nuit non seulement à la réputation du jeu, mais expose aussi l'ambassadeur à des critiques d'inauthenticité.

Il sera d'ailleurs crucial d'observer comment se déroulera la fameuse collaboration entre Activision (Call of Duty) et Philippe Etchebest, pour voir si l'exécution tient ses promesses et évite l'écueil de l'inauthenticité.

Rappelons que les consommateurs de jeux vidéo, ou « gamers », sont particulièrement sensibles aux marques qui s’investissent dans leur univers. C’est en les séduisant et en les divertissant que les marques peuvent gagner leur fidélité. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 9 spectateurs sur 10 se rappellent de marques non endémiques qui ont investi dans le gaming.